Il regno d'amore, explore principalement des œuvres extraites des deux recueils publiés peu avant et durant le séjour de Girolamo Frescobaldi à Florence (1628-1634/35), où il avait été appelé par le grand-duc de Toscane, Ferdinand II : les Canzoni de 1628 et les deux livres d'Arie musicali per cantarsi de 1630. Dans le premier, le compositeur, en s'appuyant sur la tradition de la canzona, une des formes emblématiques nées du développement de la musique instrumentale en Italie, regarde vers la plus moderne sonate. Dans le second, peut-être stimulé par son séjour dans la patrie de la monodie accompagnée, le voici qui affronte l'héritage de son représentant le plus célèbre, Giulio Caccini (c.1550-1618), en proposant des pièces en stile recitativo, des airs strophiques, mais aussi d'autres plus modernes construits sur des basses de danses (Ruggiero, Passacaglia, etc.), en voyant parfois loin vers l'avenir, comme dans Così mi disprezzate, dont l'alternance entre portions d'airs et récitatifs peut être considérée comme une anticipation de la cantate baroque. On ne peut que saluer la conception du programme du disque qui, entraînant l'auditeur au travers de multiples affetti, conte les joies et les douleurs de l'amour, profane comme sacré, ou les enchantements d'une nature apaisée, en formant une sorte d'opéra miniature, aussi cohérent que délicieux, qui rend justice à la production vocale de Frescobaldi, peu fréquentée en comparaison de ses œuvres pour clavier. L'interprétation de l'Ensemble Clematis rend parfaitement justice à la veine sensuelle, dans l'ensemble plutôt lumineuse, des œuvres choisies dans le cadre de cette anthologie. Familiers de cette musique, les musiciens savent d'emblée en exalter les couleurs et, en adoptant des tempos savamment dosés qui ne confondent pas vivacité et frénésie, mettre en valeur les épices (chromatismes, retards, effets d'écho, etc.) que Frescobaldi a semées ici et là, lesquelles jouent ici pleinement le rôle de surprise voulu par le compositeur et qu'une vision moins équilibrée aurait immanquablement aplanie. S'appuyant sur un continuo impeccablement réalisé, où les timbres chatoyants déployés, au théorbe ainsi qu'à la guitare, par Quito Gato et par Marie Bournisien à la harpe, peuvent laisser exprimer la vaste palette de leurs charmes. Le violon de Stéphanie de Failly, aussi sensible que superbement maîtrisé, se rit des pièges des partitions et brille sans jamais oublier d'être, comme une voix aux troublantes inflexions, le vecteur d'émotions contrastées. La voix épicée et charnelle de Mariana Flores est, elle aussi, un régal. La diction naturelle et sans aucune affèterie permet de saisir les moindres inflexions des textes. Cette qualité étant mise au service d'une véritable incarnation de chacune des Arie. Il faut également saluer, pour finir, la direction très engagée de Leonardo García-Alarcón, qui, des claviers, mène son monde avec un sens très sûr de ce répertoire, opérant une magnifique synthèse entre allant rythmique et sensibilité frémissante. Le regard qu'il porte sur Frescobaldi est très équilibré et cohérent; c'est sans doute pour ceci que tout, dans cette anthologie, sonne particulièrement juste.
11 years ago